Pour interpréter la pandémie dans le respect de la “culture” chère à E. Macron

RÉSUMÉ – Mise en ligne le 18/03/20 (c’est-à-dire dans la foulée des toutes premières mesures de confinement), cet article n’a rien perdu de son actualité – hélas. On commence par s’interroger sur le leitmotiv macronien de n’obéir qu’à la rude loi de la Science, et on illustre cette interrogation par l’incohérence épidémiologique de la communication gouvernementale, aggravée par la compétence problématique des « experts » dont le Président prétend suivre implacablement les avis; on rappelle au passage que lesdits experts se sont lourdement trompésdans le passé en raison de leurs conflits d’intérêts dissimulés en flagrante illégalité. On n’a pas de mal, ensuite, à montrer qu’égarées sur des bases aussi perverses, les décisions gouvernementales frappent par leur arbitraire, leur incohérence et leur parti pris d’esbrouffe. On conclut que le pire de ce que l’on pouvait craindre en propulsant à la tête de l’État un gamin omnipotent a été atteint et même dépassé.

Des recommandations censément « scientifiques »

Mes lecteurs fidèles savant que j’ai les plus grands doutes sur le caractère « scientifique » de la médecine, sans que ce scepticisme ne vaille pour une critique. Certaines activités humaines, parmi les plus éminentes, n’ont rien de « scientifique » – et cela ne nous empêche pas de nous y adonner avec ferveur : la sexualité (n’en déplaise aux « sexologues-sans-rire » de la Faculté), l’éducation des enfants (n’en déplaise à Meirieu et ses disciples), la psychothérapie (n’en déplaise aux comportementalistes tellement prisés à l’INSERM1), l’art (n’en déplaise aux pédophiles mondains qui s’abritent derrière ce noble prétexte pour camoufler leur perversité.)… Ce souci épistémologique n’est clairement pas partagé par notre jeune Président qui, dans son adresse aux Français datée du 16/03/20, a évoqué la Science à six reprises (soit environ une fois toute les deux minutes) et les « experts » à deux reprises.

Une pratique épidémiologique malmenée

S’il est quand même une spécialité médicale qui pourrait revendiquer le statut de « science », c’est bien l’épidémiologie. Or, alors que sans forcer, on pourrait qualifier d’épidémiologique l’actuelle alerte concernant les infections à coronavirus, le traitement des données observationnelles par les « responsables » et les médias apparaît étrangement anti-épidémiologique. Un seul exemple : je n’ai jamais vu la moindre étude épidémiologique qui ne commence par un chapitre Données démographiques, consistant simplement à décrire les caractéristiques épidémiologiquement pertinentes des populations décrites : âge, sexe (pardon pour le gros mot), taille, poids. Il n’est pas indifférent de savoir que telle ou telle « victime » avait 89 ans, de même qu’il ne serait pas indifférent de savoir que tel ou tel autre malade mesurait, avant l’étude, 1,90 m pour 35 kg2. Eh bien, cherchez le moindre souci épidémiologique dans des informations dont on vous abreuve, vous n’en trouverez pas. Il est possible qu’un mode de dénombrement aussi indistinct nous soit, lui aussi, venu de Chine : en 1989, sur la place Tienanmen, faute de pouvoir individualiser les victimes, on les enregistrait globalement – par kilo de barbaque écrasée sous les chenilles des chars…

Dans un ordre d’idées connexe, je redis avec force qu’on aimerait bien connaître ceux des patients – notamment chez les jeunes – qui ont reçu Tamiflu avant de décompenser d’une infection qui ne se présentait pas comme potentiellement fatale…

Des spécialités inadéquates

À côté de cette question qui touche à la crédibilité d’une pratique censément scientifique, il est utile d’auditer l’axiologie de Macron à l’aune de son choix d’experts. Pour une fois3, je souscris totalement aux objections de Jean-Philippe Derenne qui, après une brève revue individualisée des principaux conseillers du pouvoir, conclut qu’aucun ne dispose de la compétence idoine.

Une éthique problématique

Cela fait partie de l’imagerie d’Épinal concernant l’éthique de la Science : on y est intolérant avec l’erreur et on se rétracte aussi vite que possible quand on s’est trompé. À l’inverse, c’est peu dire que lors du précédent H1N1 (pour ne point parler de la grippe aviaire), les conseillers de Macron se sont lourdement trompés et que, jusqu’à preuve du contraire, ils se sont bien gardés de faire amende honorable.

Bien pis : ils ne se sont pas trompés par inadvertance ou par distraction, mais : i) ils se sont ingéniés à tromper les gens pour maximiser les bénéfices de leurs sponsors ; ii) pour ce faire, ils ont constamment bafoué l’esprit de la loi gouvernant la déclaration des conflits d’intérêts, notamment dans sa disposition pour en faire systématiquement état dans toute intervention publique. On peut s’étonner que le premier magistrat français, qui a multiplié les menaces à l’endroit des récalcitrants en clamant « nous posons des interdits », fasse si peu de cas de ceux qui étaient dûment inscrits dans le marbre de la Loi bien avant son élection.

Les « experts » de nos gouvernants n’ont pas été plus « scientifiques » dans leur inventaire des narcolepsies déclenchées par le vaccin Pandemrix, dont on ne parle JAMAIS malgré l’atrocité des vies concernées4. Situation d’autant plus révoltante que, à la différence des scléroses en plaques après vaccination contre l’hépatite B, le lien de causalité est parfaitement admis par les autorités et leurs experts… Mais il y a un début à tout pour « l’éducation » (dûment évoquée dans le discours de Macron) des grands « scientifiques » qui conseillent le Prince, et qui ont gardé de leurs études primaires un certain goût pour les additions à trous…

Des résultats à la hauteur

On n’attend pas d’un ouvrier mal outillé qu’il fasse du bon travail, surtout quand rien ne permet de penser que l’ouvrier en question est assez supérieur pour se débrouiller dans de mauvaises conditions. Le résultat le plus net des cogitations macroniennes, c’est : i) le défaut de motivation ; ii) l’incohérence ; iii) l’esbroufe.

Le défaut de motivation

La Science étant par excellence le triomphe du contradictoire, on s’étonne que l’Élysée n’ait pas eu la décence de soumettre au débat public les recommandations expertales sur lesquelles elle prétend baser ses décisions. Semblablement, on attend toujours un minimum de justifications dans les déterminants de l’alerte. Pour autant que le décompte soit exact, quelques centaines de morts ne sont pas faramineux quand on a envoyé pêle-mêle des milliers de gens dans un système hospitaliser délibérément et notoirement sinistré depuis des années : un minimum d’expérience médicale suggère qu’il n’est nul besoin d’être très âgé ou très malade pour mettre sa vie en danger par un séjour hospitalier.

Par l’Histoire ou moyennant la télé (quand on l’a, ce qui n’est pas mon cas), nous avons tous des images spectaculaires de ce que peut être une épidémie : de peste, de typhus, de choléra. Rien de semblable avec le coronavirus : si la situation était aussi catastrophique qu’on voudrait nous le faire accroire, on n’aurait pas besoin de faire tant de foin avec des sujets très âgés atteints de pathologie multiples ou avec des histoires sans doute désolantes mais qui tiennent plus du marasme qui affecte l’hôpital depuis des années que d’une pandémie monstrueuse. Il est étrange, également, que les descriptions les plus cataclysmiques ne viennent pas de gens crédibles qui les auraient dûment constatées, mais de personnes-relais qui se complaisent à répandre ce qu’elles n’ont pas vu mais qu’on leur a dit (le cadavre qui a vu le cadavre qui…), ou encore à jouer la caisse de résonance
de mesures dont le caractère spectaculaire peut tout autant refléter l’incompétence ou la corruption de ceux qui les ont prises.

L’incohérence

Je l’ai déjà souligné : confiner les enfants chez leurs grands-parents tout en serinant que les personnes âgées sont les personnes le plus à risque de complications respiratoires est un foutage de gueule qui devrait frapper tout citoyen raisonnable.

Le temps et l’envie me manquent pour esquisser un inventaire de mesures tellement débiles que l’exhaustivité ne s’impose pas : pas de crèches, mais sauf pour le personnel hospitalier, pas le droit de circuler sauf dans telle et telle circonstance (à charge pour le coronavirus d’y mettre un peu du sien pour comprendre l’exception), pas de visite chez sa vieille mère isolée5 mais autorisation de fréquenter ces lieux désertiques qu’on appelle « supermarchés », pas de masques pour le personnel soignant dans certains EHPAD, mobilisation de l’armée pour des tâches de maintien de l’ordre auxquelles elle n’est absolument pas formée, etc.

Au florilège des perles macroniennes, que penser de cette exhortation à « inventer de nouvelles solidarités entre générations » : le système de retraites par répartition sur lequel Macron s’est sauvagement acharné depuis son élection ne constituait-il pas un système finalement éprouvé de « solidarité entre générations » ?…

Quant à la gratitude quasi religieuse que Macron prêche désormais à l’endroit des soignants et de leur « dévouement », je ne résiste pas au désir de ressortir une vidéo attestant la consternante arrogance du personnage, sur arrière-fond de gloussements révoltants émis par sa ministre de la santé (cf. aussi mon commentaire de cette scène, dans un post-scriptum d’un de mes articles).

L’esbroufe

Dans une intervention qui suinte le risible fantasme de passer à la postérité6, Macron se pose répétitivement en chef de guerre (« j’ai décidé ») qui ne reculera devant aucune mesure : mais s’il est intarissable sur les modalités des stupéfiantes contraintes qu’il prétend imposer aux citoyens (“toute infraction (…) sera sanctionnée), il reste étrangement flou et discret sur les mesures (« dispositif exceptionnel, « soutien », « garanties », « fonds de solidarité »…) censées les rendre acceptables : il faut attendre « dès demain » pour que le gouvernement « commence à préciser » les mesures promises. Autant dire que ça promet… On verra demain si les mesures d’hier promises pour le lendemain sont passées dans l’actualité…

Bref et pour résumer : n’ayant pas l’omniscience de ceux qui n’ayant rien étudié sérieusement, ont réponse à tout, je n’ai pas d’idée motivée sur la portée précise de l’épidémie à coronavirus7. Comme tout le monde, je suis aussi en manque de données-sources (càd épurées de tout commentaire alarmiste), lesquelles sont actuellement couvertes par le secret-intimidation. Mais j’affirme sans barguigner que les preuves d’une situation assez alarmante pour justifier les dernières mesures gouvernementales font cruellement défaut.

Conclusion : pire que redouté

Si j’arrive à surmonter ma répugnance pour le honteux baratin de Macron, je reviendrai plus précisément sur les ressorts de sa rhétorique. Mais d’ores et déjà, il est possible d’affirmer que ce président, dont on avait eu moult occasions d’apprécier l’omnipotence infantile, a dépassé les bornes que redoutaient ceux qui avaient pris la mesure du personnage : car ce qui a été annoncé en ce 18/03/20, c’est clairement – je pèse me mots – une dictature. Une dictature aggravée, de plus, par la volonté que, de gré ou de force, les gens participent à leur soumission8, qu’ils consentent à leur avilissement:

« La meilleure règle, c’est celle qu’en tant que citoyens, vous vous appliquez à vous-même »

Puisque le Président vous a exhortés à faire preuve de « culture », il vous reste à choisir dans vos références littéraires : « le retour de la Bête immonde » que j’avais annoncé voici deux ans presque jour pour jour (20/03/2018), Le Meilleur des mondes, ou 19849?

PS du 20/03/20

L’un des plus éminents et des plus respectés épidémiologistes mondiaux vient de diffuser un article. Sa conclusion est exactement superposable à la mienne: nous manquons singulièrement de données justifiant tout le foin fait par les responsables gouvernementaux autour du coronavirus…

À bon entendeur…

  1. Parmi les lecteurs qui me font l’honneur de se souvenir de mes écrits, certains pourraient m’objecter que j’ai célébré la psychanalyse freudienne comme une avancée scientifique majeure en médecine : je n’ai pas changé d’avis, mais si je tiens pour raisonnablement « scientifique » la théorie freudienne, je n’en dirais pas autant des psychothérapies que je pratique sans complexe, mais qui relèvent, à mes yeux, simplement d’un art de guérir traditionnel en médecine.
  2. Ce qui laisserait entendre qu’il était déjà dans un état gravement cachectique.
  3. Je dis « pour une fois » car, sauf erreur de mémoire, Derenne faisait partie d’un des trois collèges d’experts qui, unanimement, ont conclu que l’état « grabataire » de Maurice Papon était incompatible avec son maintien en prison. Mais sur le coronavirus, Derenne s’exprime en plein cœur de sa spécialité (la pneumologie), où je n’ai aucune raison sérieuse de remettre en cause sa compétence.
  4. Comme conseil de certaines victimes, j’ai pu me familiariser avec les modalités pratiques l’espèce : elles sont abominables.
  5. Alors qu’un banquier interrogé par Ouest-France (17/03/20) clame sans être contredit que la situation “exige du soutien aux compagnies aériennes”…
  6. « Nous sommes en guerre » (7 fois), « Je vous demande des sacrifices… »…
  7. De même que je n’ai jamais nié qu’on puisse mourir d’une rougeole ou d’une coqueluche: j’ai simplement soutenu que le risque des campagnes vaccinales contre ces maladies dépassait largement celui de complications spontanées aussi exceptionnelles sous nos latitudes.
  8. J’inclus évidemment dans cette participation forcée la sidérante “Attestation de déplacement dérogatoire” dont on ne voit d’autre intérêt que l’humiliation consentie. Les nazis étaient très forts dans la mise en place de ces procédures intensément sadiques (forcer les prisonniers à désigner, voire à exécuter eux-mêmes la prochaine victime, forcer un mère à choisir celui de ses jumeaux qui sera – temporairement – épargné…). Comme les additions opérées par les experts “scientifiques” (cf. plus haut), la “culture” célébrée par Macron a de singuliers trous…
  9. Initiée en Italie par les réseaux sociaux, mais appelée à « se répéter tout au long du confinement » (Valeurs Actuelles, 18/03/20), la célébration qui consiste inciter les citoyens à se mettre « par milliers » à leur fenêtre ou sur leur balcon pour rendre hommage aux soignants réalise l’un de ces moments rares où la réalité dépasse vraiment la fiction : penser aux scènes d’hystérie collective qui, dans 1984, peut s’emparer des Océaniens à l’incitation de la Police de la Pensée . Il suffit de se remémorer l’ambiance d’agressivité, voire de délinquance qui, dans les Service d’urgence, prévalait à l’égard du personnel soignant juste avant l’alerte “pandémique” pour mettre en perspective le revirement de Macron à l’égard de ce même personnel.