K – « On m’a rétorqué aussitôt : ‘Madame, ne dites pas n’importe quoi’ »

« La vaccination contre l’hépatite B m’a provoqué différents troubles et douleurs musculaires. J’ai porté l’affaire en justice. J’ai dû être examinée par plusieurs experts.

La plupart des experts m’ont fait un examen très succinct, dès que je commençais à parler et à essayer d’expliquer mes troubles et les douleurs que j’ai, on m’a rétorqué aussitôt : “Madame, ne dites pas n’importe quoi, et ne commencez pas à vous plaindre de maux que vous n’avez pas.” L’examen n’avait pas duré cinq minutes.

D’ailleurs je m’en suis plainte à mon avocate.

Par contre lorsque j’ai été examinée par le Dr Girard, celui-ci m’a écoutée, posé des questions sur les troubles que j’ai, il essayait de me les faire préciser, prenait des notes. Quand aux douleurs musculaire il a examiné minutieusement les endroits douloureux. Le Dr Girard a été le seul expert a demander des examens complémentaires auprès d’autres spécialistes. Je considère qu’il apporte plus d’éléments scientifiques, il a fait une recherche bibliographique importante ce que n’avaient pas fait les autres experts.

Après l’examen du Girard, je n’avais pas l’impression d’être coupable de vouloir me défendre, comme lors des autres expertises ou l’on cherchait surtout à me culpabiliser. »

Fait à G***, le 12 janvier 2006

Françoise K.

Âgée de 62 ans, cette ancienne éducatrice spécialisée, autrefois très sportive, vit (au moment de ce témoignage) depuis plus de dix ans avec un important syndrome de fatigue chronique : si elle a perdu l’essentiel de son énergie, elle a conservé tout son humour et, comme Jean Pierre F., elle n’a pas non plus la langue dans sa poche. Curieusement, d’ailleurs, elle a construit son témoignage exactement de la même façon que lui, sur une rhétorique d’oppositions rendues encore plus frappantes par l’usage du style direct (« Madame, ne dites pas n’importe quoi »), tout en concluant sur le sentiment de soulagement qui l’habitait en sortant de mon bureau, lequel vaut surtout par contraste avec les agressions assez inconcevables des précédentes expertises :

« (…) je n’avais pas l’impression d’être coupable (…) »

Si Jean-Pierre F. décrivait crûment la « vexation » infligée par les experts, c’est ici la première fois – mais pas la dernière – qu’une victime évoque explicitement l’état de culpabilité où l’ont enfoncée les précédentes expertises.

Comme Mme J. et quelques autres, Françoise K. semble avoir une expérience éprouvée des experts (« la plupart des experts »), qui n’en rend que plus crédible son témoignage. Également au chapitre des éléments de crédibilité, les évaluations objectives qui fondent sa rhétorique d’opposition – le temps passé (« un examen très succinct [qui] n’avait pas duré cinq minutes »), le soin accordé à l’écoute et à l’examen physique : Mme K. souligne ici la « minutie » du Dr Girard dans l’examen des « endroits douloureux », là où d’autres qui avaient également mal se rappelaient l’attention accordée au récit de leurs « souffrances » ou de leurs « douleurs » et alors même qu’un peu plus loin, nous verrons Mme S. accuser carrément l’expert précédent de l’avoir sciemment brutalisée.

Comme dans d’autres attestations, on notera que le registre lexical de « l’écoute » est, comme par hasard, très lié à celui des « questions » posées, du souci expertal de la « précision », de la « demande » (d’examens complémentaires), enfin celui de la « recherche » (bibliographique). Madame K. n’a pas éprouvé le besoin d’achever sur une moralité : mais c’est, mine de rien, une véritable épistémologie de l’expertise qu’elle a dégagé de sa douloureuse – et culpabilisante – expérience.